Les conflits dans nos relations sont inévitables, on ne peut s’entendre sur tout. Sous l’angle de la CNV, ces conflits ne sont pas un problème à régler, mais une occasion à saisir.  Ils mettent en évidence nos blocages, nos limites et nous invitent à les dépasser !  Ils permettent la transformation, l’avancement, les découvertes, l’innovation. Les conflits s’enveniment généralement lorsque l’on voit l’autre comme la source du problème puisqu’on dirige alors notre énergie à vouloir changer l’autre. Notre pouvoir est ainsi exercé là où nous avons peu d’influence. La CNV nous invite plutôt à nous tourner vers nos besoins pour voir comment mieux les vivre avec l’autre et les incarner dans nos actions et nos choix.

 

Le mammouth, le chacal et la girafe[1]
Mona Beauchemin, 31 janvier 2022

Quelques notions de base

Vous souvenez-vous de votre dernier conflit avec un proche?
Rêvez-vous de relations plus harmonieuses avec vos proches?
Quand vous avez un conflit avec quelqu’un, pensez-vous que c’est la faute de l’autre?
Dans un conflit, vous sentez-vous découragé et impuissant?
Quand vous percevez une attaque à votre intégrité, avez-vous envie de contre-attaquer?

Si vous avez répondu oui à ces questions, vous êtes comme la plupart d’entre nous. Selon Marshall Rosenberg, nous réagissons ainsi à cause de la façon dont nous avons appris à penser, en termes de bien/mal, correct/pas correct, etc., ce qui est à l’origine de la violence.

 

Nous, les humains, tentons toujours de satisfaire nos besoins, comme notre intégrité physique et psychologique. Nos lointains ancêtres devaient protéger leur intégrité physique face à des dangers immédiats, comme en chassant un mammouth qui pouvait les charger. Pour sauver leur peau, ils ont appris à fuir, attaquer ou figer, selon les circonstances. La partie ancienne de notre cerveau, le cerveau reptilien, fonctionne toujours ainsi. De nos jours, les menaces sont plus souvent psychologiques que physiques, mais notre cerveau reptilien ne fait pas la différence. Il perçoit un danger et veut nous protéger. Quand nous percevons une attaque et que nous fuyons, contre-attaquons, ou figeons, nous laissons toute la place à l’homme des cavernes en nous.

 

Une fois la menace passée, nos ancêtres relâchaient la tension; les animaux aussi font cela, en tremblant. Nous, avec notre cerveau « évolué », nous tendons à en rajouter en nous jugeant ou nous racontant mille histoires sur notre « attaquant », lui donnant toutes sortes d’épithètes, voire en laissant s’étioler tout l’amour que nous avions pour lui, en en faisant notre ennemi juré.

 

Et si nous essayions autre chose, si nous changions de cassette?

Quelques rappels importants de Marshall Rosenberg:

  • quoi que nous fassions ou disions, nous tentons toujours de combler nos besoins;
  • quelqu’un qui est déclenché ne peut pas entendre l’autre;
  • nos sentiments difficiles à vivre, comme la colère et la tristesse, nous indiquent que certains de nos besoins ne sont pas comblés;

Devant ce que nous percevons comme une attaque, nous avons des choix:

    • laisser agir le chacal: nous écraser, nous blâmer; attaquer l’autre;
    • inviter la girafe: aller voir ce qui se passe en soi; aller voir ce qui se passe chez l’autre.

 

Et vous, quel choix voulez-vous faire?

 

MÉDIATION

Lorsque des personnes ou groupes ont recours à une médiation, à ce stade, le lien de confiance dans la relation est possiblement altéré ou rompu. La médiation sous l’angle de la CNV fonde son approche sur une intention où l’on soutient chaque personne pour tenter de recréer un lien de confiance dans un cadre sécuritaire. Le rôle du.de la mediateur.trice est d’être neutre entre les deux parties. Il s’assure de bien saisir l’enjeu de chaque partie, qu’elles se sentent entendues dans leur situation pour que la confiance et la sécurité s’installent. Cette intervention se veut avant tout relationnelle, entendre d’abord ce que chaque personne vit avant de se tourner vers des stratégies de réconciliation pour résoudre l’impasse. Par la suite, les parties prenantes pourront plus aisément prendre la responsabilité de leurs sentiments et besoins et avec le soutien du.de la mediateur.trice, ils trouveront ensemble le pont qui permettra de recréer le lien dans la relation, pour ensuite s’entendre sur des stratégies qui prendront en compte les besoins de chaque partie.

[1]Chacal et girafe sont des métaphores utilisées par Marshall Rosenberg pour illustrer respectivement nos parties critique et bienveillante. Le mammouth est utilisé comme métaphore du stress et comme logo par le Centre d’études sur le stress humain (CESH), le laboratoire de la Dre Sonia Lupien.

Tranche de vie
Lui: la lumière était jaune mais tu avais le temps de passer OU tu aurais dû arrêter.
Elle: tu ne me fais pas confiance.
Lui: j’ai peur, j’ai déjà eu un accident de moto et j’ai failli mourir.
Elle: quand c’est ton ami qui conduit, tu ne dis rien.
 
Ce matin-là, en Suisse, par un beau jour de mai, je sors de Genève en me disant: « ici, la circulation est sans doute plus calme qu’en France, je vais conduire aujourd’hui, mon chum ne sera pas trop stressé ». Erreur! Après une heure, je n’en peux plus. Au lieu de profiter de ce splendide paysage, je n’entends que des critiques à ma conduite. Je range la voiture sur l’accotement et lui donne le volant: « C’est ma fête, je n’ai pas envie de me chicaner aujourd’hui, alors, tu conduis. »

 

Cela dure depuis quelques années: il « critique », je bous à l’intérieur, je me raconte qu’il est un « chialeux », qu’il n’est jamais content, j’essaie de comprendre, je m’en veux de ne pas savoir quoi faire pour que ça cesse. Mon amoureux devient tranquillement mon ennemi, mon amour s’étiole et je finis par le quitter. Dans ma tête, les chacals sont lancés, contre lui « qui chiale tout le temps », contre moi « qui ne sais pas me défendre, qui ai envie de partir et ne le fais pas ».

 

Mon mammouth n’est ni grand, ni gros, mais ses paroles réveillent le chacal en moi, qui finit par prendre toute la place. Il y a 37 ans, je ne connaissais rien aux histoires de mammouth, de chacal et de girafe. Je ne connaissais que le renard du Petit Prince et son histoire de rose à apprivoiser. Mais une fois la rose apprivoisée, qu’est-ce qu’on fait pour ne pas rester impuissant face aux chacals hurlant contre nous et contre l’autre?

 

Marshall Rosenberg nous suggère de les laisser hurler, mais pour un temps seulement, et pas en présence de notre mammouth, seul avec nous-même ou avec une personne qui nous écoute sans nous juger, avec une girafe bienveillante. Une fois que le chacal a fini de hurler, nous pouvons aller voir en nous ce qui est à la source de notre colère, de notre tristesse, de notre découragement, de notre impuissance. La source, ce sont nos besoins non comblés: respect, intégrité physique et psychique, sens de notre valeur, harmonie, amour.

 

Pour engager un dialogue constructif avec le mammouth, il est important de nous écouter suffisamment pour retrouver en nous un espace de calme et de bienveillance, et ne plus le voir comme notre ennemi. C’est ainsi que nous pourrons l’aborder dans un état d’esprit différent, avec une intention de lui offrir à lui aussi de l’écoute et de la bienveillance, de tenter d’aller voir avec lui qu’est-ce qui en lui a si peur qu’il ne sait pas l’exprimer autrement qu’en « chialant » (besoin de sécurité et de confiance). Nous pourrons aussi exprimer l’impact que ses commentaires ont sur nous (quand tu me parles ainsi, je suis déconcentrée, triste, j’ai besoin de confiance et de calme) et entamer un dialogue, comme une danse pendant le temps qu’il faut pour trouver une solution gagnant/gagnant.

 

Cela semble trop facile? Facile à comprendre, oui. Pour maîtriser cette danse, il faut déconstruire nos réflexes; cela nécessite de la pratique, de la persévérance, de l’engagement, comme apprendre à parler une nouvelle langue, ou à danser le tango.

 

Nous sommes plusieurs sur le chemin des girafes, prêts à vous accueillir et à guider vos pas de girafons, parce que nous savons d’expérience que cette danse nous permet de vivre d’une manière tellement plus agréable.